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Introduction

L’argent est un objet très particulier de l’interculturalité. Il possède une place dans toutes les activités humaines et est chargé de beaucoup d’ambiguïté. Sa perception et son usage sont très fortement marqués culturellement. C’est une source classique de chocs culturels.


Publié le 19/07/2019

L'argent sous le règne de la précarité

La précarité frappe tout particulièrement la trésorerie des ménages. Comprenez bien qu'ici, je ne parle spécifiquement de pauvreté, même s'il est certain que la précarité en génère souvent. Mais elle se fait aussi ressentir par celui qui ne vit pas dans l’indigence. Là où elle règne, pour beaucoup de gens, l'argent entre difficilement et sort trop rapidement.

L'argent entre difficilement parce que les emplois formels sont rares et les salaires souvent bas. Le travail informel permet d'en faire entrer un peu aussi, mais de façon très aléatoire et donc, là encore, très précaire.
L'argent sort rapidement parce qu'il s'écoule par toutes sortes de fissures, elles aussi formelles et informelles. Il y a le loyer, la nourriture du quotidien, le carburant ou les transports en commun, l'eau et l'électricité, un minimum de crédit téléphonique, le bakchich au policier, le billet au fonctionnaire pour qu'un dossier ne soit pas "oublié"... Et puis il y a toutes ces dépenses qui sont imposées par l'allégeance relationnelle : la maman à soigner, l'enfant du cousin à scolariser, la bière pour l’ami qui passe, le tonton à dépanner, la voiture du papa à réparer, beaucoup de crédit téléphonique pour passer au quotidien les innombrables coups de fils qui permettent d'entretenir ces relations... Et aussi les petits cadeaux qui s'imposent dans une multitudes de situations comme un mariage, une naissance, une visite, une fête, un succès, un deuil, un diplôme, une embauche, une promotion…

Sous le poids de l'allégeance relationnelle, l'argent a vocation à circuler, car à chaque fois qu'il passe de main en main, il permet d'entretenir une relation. L'économie et la capitalisation sont des concepts très étrangers à ce genre de culture où l'on constate d'ailleurs souvent un faible taux de bancarisation de la population.


Publié le 19/07/2019

L’argent et l'allégeance relationnelle

Dans un contexte de précarité, donner de l’argent est la façon la plus simple et la plus basique de subvenir aux besoins matériels d’une personne. Du coup, ce geste est quasiment devenu le symbole par excellence de l’allégeance relationnelle. Une multitude d’exemple le manifestent : de la dote qui officialise un mariage au bakchich du policier, en passant par le billet qu’on glisse dans la main d’un nouveau-né ou dans celle de n’importe quelle personne à qui on demande un service grand ou petit. Dans tous les cas et même si ça ne saute vraiment pas aux yeux de l’observateur occidental, il s’agit d’abord et avant tout de manifester un désir de cultiver une bonne relation. Bien sûr, l’argent n’est pas moins ambivalent en Afrique qu’ailleurs, et les ombres de la cupidité et de la corruption planent tout autant sur les francs CFA que sur les euros ou les dollars. Mais le regard que les africains portent sur cette réalité très singulière est vraiment différent du nôtre. La priorité revient toujours aux relations, et l’argent n’échappe pas à cette particularité culturelle. Au contraire, c’est lorsque quelqu’un tente justement d’y échapper qu’on va commencer à employer les termes « cupidité », « égoïsme », « voleur » et parfois d’autres plus graves encore.

Pour ceux qui ont vu le film camerounais « le blanc d’Eyenga », rappelez-vous comment les gens traitent le blanc en question lorsque, après avoir épousé la fameuse Eyenga, il annonce être ruiné et ne pas avoir d’argent à leur donner : « escroc ! malhonnête ! bandit ! ».

La notion de hiérarchie sociale évoquée précédemment a ici un impact fort, car c’est elle qui va déterminer dans quel sens l’argent doit circuler dans un contexte relationnel, et ce, bien sûr de façon toujours très informelle.

Le sens par défaut va du riche vers le pauvre, ce qui est tout à fait cohérent sous le règne de la précarité. Ce sens là se pratique surtout dans le cadre de la famille (toujours au sens africain du terme) et dans une multitudes d’autres situations.

Mais d’autres situations se produisent fréquemment dans un contexte bien particulier où l’argent va circuler généralement de celui qui a besoin d’un service vers celui qui va le rendre. Ici, même la notion de service est un peu différente de l’idée qu’on s’en fait en Occident. Il s’agit souvent de privilège, comme lorsqu’il s’agit d’obtenir un document plus facilement que selon le protocole administratif officiel, d’éviter une pénalité ou une amende… Vous qui lisez ces lignes avec votre culture française, entendez-vous montez à vos oreilles le mot « corruption » ? Car nous y sommes. Mais il est essentiel de bien comprendre que ce n’est pas d’abord de cela qu’il s’agit. Tendre un bakchich au policier qui vous arrête sans rien dire n’est pas une attitude correcte. D’abord on discute, on sourit, on sympathise, on manifeste du respect pour l’uniforme, on plaisante un peu si la situation s’y prête, on compatit à l’épreuve de la chaleur que subit cet agent qui travail sous un soleil de plomb tandis que vous profitez de la clim… bref, on tisse une petite relation au sein de laquelle la question du bakchich va pouvoir s’inscrire de façon conciliante, souvent d’ailleurs avec un vocabulaire détourné et sur la base d’un échange qui laisse entendre que le petit billet sera donné dans un esprit de générosité, de compassion, de gentillesse, de reconnaissance, d’amitié… Bref, l’acte a beau être désiré par l’agent de police ou le gendarme, il faut néanmoins qu’il soit sous-tendu par un mécanisme culturel qui le rende acceptable.


Mis à jour le 20/07/2019

Dimension économique de l'allégeance relationnelle

Le mécanisme de redistribution matériel, en particulier d'argent, du riche vers le pauvre apporte à l'allégeance relationnelle une dimension économique qui la favorise beaucoup et sans laquelle elle ne tiendrait pas, eu égard au fait que chacun a besoin d'un minimum de ressources matérielles pour vivre ou pour survivre. C'est cette dimension qui permet à chacun, en particulier, de consacrer tant de temps, d'énergie, de ressources à entretenir des relations interpersonnelles, au détriment des activités économiques qui, du coup, constituent rarement une source suffisante de revenus. C'est pourquoi on parle d'allégeance. La logique économique qui la sous-tend est bien que les ressources non obtenues par le travail le soient par des dons fondés sur les bonnes relations tissées avec des personnes plus riches.

Tant qu'on ne saisit pas cette logique, tant qu'on observe les situations qu'à travers le filtre des cultures occidentales, beaucoup de comportements observés en Afrique peuvent être considérés comme des signes de relations uniquement intéressées, voire même comme une forme de prostitution dans de nombreux cas.

L'allégeance relationnelle ouvre la porte au risque que les relations interpersonnelles soient ainsi dévoyées, mais cela n'a rien de systématique. Lorsqu'on observe attentivement ces mêmes comportements, avec un regard ouvert à l'interculturalité, on constate la plupart du temps que les relations cultivées à la mode africaine sont souvent sincères. Leur dévoiement n'est le fait que de certains individus qui exploitent la faille de cette particularité culturelle.

De même qu'il est parfaitement normal, dans la plupart des systèmes économiques rationnels, de demander de l'argent en échange d'un service (alors que d'un point de vue philantropique, une telle attitude pourrait être désavouée), il est tout aussi normal, sous l'allégeance relationnelle qui caractérise en particulier les cultures africaines, que le plus riche procure au moins riche les ressources matérielles qui lui font défaut. Notez d'ailleurs que ce mécanisme ne requiert pas forcément que le pauvre en fasse la demande au riche. Bien souvent l'initiative d'un tel geste vient du riche lui-même qui a conscience que c'est pour lui un devoir qui lui est imposé par une norme socio-culturelle. C'est pourquoi, lorsque j'utilise ici le mot "normal", je n'affirme pas que cela soit bon, je fais seulement à chaque fois référence à une norme culturelle.

Ce système économique de redistribution des ressources matérielles est profondément marqué par la perception irrationnelle des choses qui caractérise elle aussi fortement les cultures africaines. C'est pourquoi j'emploie en fait le terme "système" avec hésitation car, en étant fondé sur le jeu des relations qui unissent, ou pas, ou désunissent les individus, ce mécanisme n'a rien de systématique.
De plus, les rôles du riche et du pauvre ne sont pas nécessairement joués par des personnes qui sont effectivement riches ou pauvres, mais plutôt par ceux qui sont reconnus comme tels selon les stéréotypes d'usage. Ainsi le fait d'être blanc, patron ou simplement d'avoir un emploi classe dans la catégorie des riches beaucoup de personnes qui préfèreraient ne pas s'y trouver car la réalité matérielle de leur situation ne leur procure pas forcément les moyens d'assumer les responsabilités qui leur incombent.


Publié le 19/07/2019

L’argent sous le poids du rationnel ou de l'irrationnel

Lorsqu’on a une perception rationnelle de l’argent, on a tendance à le valoriser particulièrement car par définition, il est numérique, ce qui convient parfaitement à une approche rationnelle. C’est même le rôle de l’argent, en tant qu’outil de mesure, que de faciliter une perception rationnelle de chaque bien ou service, en déterminant sa valeur sous la forme d’un nombre. Pourtant, une perception irrationnelle des choses conduit aussi à avoir une perception irrationnelle de l’argent. Précisons d’abord qu’en fait, comme le démontrent bien les travaux de psychologues et sociologues comme David Krueger*, nous avons tous une part d’irrationnel dans notre perception et notre gestion de l’argent.

Mais pour les populations qui cultivent l’irrationnel au quotidien, le rôle de l’argent est redéfinit, en particulier par l’allégeance relationnelle. Comme beaucoup d’autres choses, l’argent est subordonné aux relations. Il ne s’agit pas de déterminer la valeur des choses mais bien, là encore, de servir les relations interpersonnelles. Dans bien des situations, le fait de donner de l’argent en échange d’un travail ou d’un service ne consiste par tant à rémunérer le travail en question que de cultiver la relation. L’acte de donner de l’argent ne signifie pas « tu as fait le travail, voici ta rémunération », mais plutôt : « tu m’as rendu service, merci. A mon tour de te rendre service en te donnant un peu d’argent ». Dans cet état d’esprit, beaucoup de choses changent dans la gestion quotidienne de l’argent.

* Votre rapport secret à l’argent, Pearson, janvier 2010


Mis à jour le 20/07/2019

Les tontines

Une pratique met bien en lumière à quel point les considérations pécuniaires sont subordonnées aux relations, on appelle ça la « tontine* ». Grossièrement, il s’agit d’un petit groupe de personnes qui mettent en commun de l’argent, de manière à ce que chacun à tour de rôle puisse bénéficier d’une somme plus conséquente que ce dont il pourrait disposer d’une autre manière. L’intérêt financier dépend du mode de fonctionnement (tontine rotative, à accumulation ou les deux) et constitue une alternative simple aux banques et aux compagnie d’assurance en fonction des usages possible du capital sur lesquels les membres de la tontine se sont mis d’accord. Parmi les avantages de ce système, figure en particulier le fait qu’il est basé sur les relations qui unissent les personnes concernées, ce qui permet d’éviter la paperasserie administrative et les garanties généralement exigées par les banques. Mais alors le risque est grand qu’un des membres d’une tontine escroque les autres en ne remboursant jamais le capital ! C’est là qu’il faut se rappeler que tout ceci se déroule sous le poids de l’allégeance relationnelle et que, par conséquent, une forte coercition culturelle protège les tontines contre la malhonnêteté. Bien sûr cette protection n’est pas efficace à 100%, mais elle l’est suffisamment pour que cette pratique soit populaire : voler le capital d’une tontine, ça ne se fait pas, ça nuirait trop aux relations pour être envisageable.
Au contraire, la tontine permet encore une fois de tisser des relations basées sur une démarche d’entraide. Cette organisation est tout à fait cohérente avec l’allégeance relationnelle et on voit bien comment elle la cultive en même temps qu’elle en tire profit.

Un petit détail en plus au sujet de la tontine : finalement, à quoi s’en serve les membres ? Ca peut bien sûr servir à financer une activité économique, auquel cas le bénéficiaire peut rembourser le capital avec des intérêts. C’est le principe de la tontine par accumulation, et c’est une organisation dont un observateur occidental comprendra facilement le fonctionnement et l’intérêt. Mais une tontine sert aussi souvent à subvenir aux besoins familiaux, comme les frais de scolarité d’un enfant ou les soins d’une personne malade. Là encore, le même observateur comprend facilement l’intérêt : on peut considérer l’éducation comme un investissement ou voir la tontine comme une assurance pour les coups durs. Mais ces derniers sont plus variés que ce à quoi on peut s’attendre, car il faut aussi financer les évènements familiaux : naissances, mariages, deuils, fêtes religieuses, obtention de diplômes… Les occasions de dépenser beaucoup d’argent sont nombreuses, importantes et on ne peut pas y échapper. Sous allégeance relationnelle, ne pas inviter ses proches à un mariage ou un enterrement est très mal vu, et ça peut vite faire beaucoup de monde à désaltérer, rassasier, divertir…

* Attention à ne pas confondre avec les tontines telles qu’elles existent en Occident où il s’agit d’association d’investisseurs qui concluent un contrat aléatoire à titre onéreux.


Mis à jour le 20/07/2019

Les tarifs

Dans une ambiance irrationnelle, en dehors des commerces gérés à l’occidental et de ceux dont les marchandises proviennent de fournisseurs formels qui imposent des tarifs fixes, les prix ne sont généralement pas affichés. Le prix, on le connait par habitude, ou alors on le demande au vendeur, nouvelle occasion de discuter et de cultiver une relation. D’ailleurs un prix, ça se discute souvent, on négocie, on palabre, on se met d’accord. C’est particulièrement vrai pour les services et pour tout ce qui se vend dans la rue. Quand vous achetez des pommes de terres à une commerçante, elle ne les pèse pas. Vous lui en demandez pour 1 000 F CFA et elle vous en donne un certain nombre qui correspond à peu près à ce montant. Et il y a bien sûr des chances qu’elle vous en donne un peu plus si vous vous entendez bien.

L’allégeance relationnelle impose aussi une autre forme d’irrationalité sur les prix qu’on négocie : le vendeur adapte son tarif en fonction du statut du client. En effet, rappelons-nous que le but de l’allégeance relationnelle est de faire en sorte que chacun ait ce dont il a besoin grâce à l’entraide mutuelle, qui est logiquement orientée de celui qui a beaucoup vers celui qui a peu, du riche vers le moins riche. Par conséquent, le riche porte la responsabilité de subvenir aux besoins de celui qui est moins fortuné que lui, ce qui justifie souvent que pour lui, le tarif soit plus élevé. Bien sûr, l’inverse arrive aussi, ce qui pose parfois problème, comme dans l’exemple suivant :

Dans une petite ville du Burkina Faso, une école organise une kermesse de fin d’année. Chacun organise une petite animation pour les enfants et certains ont l’idée de cuisiner des beignets pour les vendre pendant la fête. Bien sûr, le prix doit être accessible aux enfants qui, pour la plupart, sont issus de familles pauvres, mais cela doit aussi permettre de rapporter quelques sous à l’école qui en a bien besoin. Sauf que le prix, fixé à 25 F CFA, a été déterminé en pensant avant tout au faible pouvoir d’achat des familles. Du coup, on constate le soir après la kermesse que les recettes n’ont même pas pu couvrir l’achat de la farine, de l’huile et du sucre qui ont servit à préparer les beignets…

Quand on cultive une perception irrationnelle des choses, on est souvent tenté de s’en contenter et d’oublier de prendre en compte les aspects rationnels qui sont pourtant importants, d’où parfois ce genre de déconvenue.


Mis à jour le 20/07/2019

Le vocabulaire

Bien souvent on ne donne pas un montant précis à quelqu’un, on lui donne son « coca », son « café », son « jus », sa « bière », son « taxi », son « carburant ». Annoncer un montant, c’est trop direct, trop formel, trop inapproprié, ça ne se fait pas. Le terme employé dépend bien sûr du montant, mais pas à la façon d’une correspondance fixe. Le « taxi », le « coca », le « café », le « jus » ou la « bière », c’est 500, 1 000 ou 2 000 F CFA. Le « carburant » ce peut être 5 000, 10 000, 20 000, voire même 50 000 ou 100 000 F CFA selon à qui on donne et pour quelle raison. Il y a aussi le « champagne » qui désigne en quelques sortes un peu plus qu’une bière, autrement dit 5 000 ou 10 000 F CFA. Ces montants sont bien sûrs inspirés de la valeur des billets en circulation.

Ce qui est déterminant ici, c’est l’impact de la relation. C’est à travers ce filtre qu’on détermine à peu près le montant qu’il convient de donner. Un montant trop faible peu nuire à la relation, tout comme un montant trop élevé. Quand il s’agit avant tout de cultiver une relation, on ne donne pas un montant précis à 100 F CFA près. Le geste lui-même doit être suffisamment fluide pour manifester que celui qui donne n’est pas en train de faire un effort qui lui coute, et dans la même idée il est préférable que celui qui reçoit n’ait pas trop besoin de recompter. C’est pourquoi de façon générale, ce genre d’acte consiste concrètement à donner un ou deux billets, ou une enveloppe lorsque le montant est élevé, mais pas de pièce. Une pièce de monnaie, c’est à la fois trop petit pour être le support d’une relation et trop mal pratique si on en donne plusieurs. Et sa valeur est aussi un peu trop précise, c’est pourquoi on réserve les pièces aux enfants et aux achats « purement commerciaux » où les tarifs sont calculés de façon rationnelle, donc facilement à 50 F CFA près, et parfois même à 5 ou 10 F CFA près.


Publié le 19/07/2019

Le cas du prêt

La gestion des interférences entre l’argent et les relations en est un exemple classique. Imaginons une personne qui doit acheter un objet quelconque et qui n’a rien pour payer. Il demande à son ami de le dépanner en promettant de le rembourser rapidement.

S’ils ont l’un et l’autre une perception rationnelle des choses, celui qui porte la dette aura à coeur de la rembourser rapidement, et de préférence au centime près (ou au franc près si on compte en francs CFA). L’acte du remboursement contribuera à consolider leur relation, parce que celui qui a prêté a aidé son ami, parce que celui qui a emprunté s’est montré loyal en retour, mais aussi parce que l’acte en lui-même fait pleinement sens dans leur culture.

Au contraire, s’ils ont une perception irrationnelle des choses, il est probable que le remboursement tarde à venir, surtout s’il s’agit d’un petit montant. Et l’allégeance relationnelle va influencer ainsi la situation : pour peut que celui qui a emprunté soit plus pauvre que son ami, ou plus âgé (allégeance générationnelle), il peut paraitre normal pour l'un comme pour l'autre que le prêt devienne en fait, sans le dire, un don. Dans cet état d’esprit, il est aussi probable que ni l’un ni l’autre ne prenne soin de noter quel montant a été emprunté, que le temps passe et que le souvenir de cette dette s’efface de lui-même. Ce genre de comportement est tout à fait cohérent dans un tel environnement culturel. Ce mécanisme, bien sûr n’a rien de systématique. On est toujours dans une ambiance où règne l’irrationnel et où tout est donc possible, mais la tendance penche quand même plus du côté de l’oubli de la dette que de son remboursement au franc près.

Les choses se compliquent généralement lorsque les deux amis n’ont pas la même perception des choses. L’un prête et compte sur un remboursement rapide et intégral de la dette, tandis que l’autre se réjouit de la générosité de son ami et « oublie » de le rembourser. Ou alors l’un prête et considère cela comme un don à son ami, et se sent gêné lorsque ce dernier lui ramène la somme exacte quelques jours plus tard.


Publié le 19/07/2019

L'argent sous le règne de la sécurité

Dans un contexte individualiste, l’argent appartient exclusivement à son propriétaire, qui jouit de la totale liberté d’en faire ce qu’il veut. Là encore, à ce niveau de considération culturelle, aucune pression ne favorise la circulation de l’argent entre les individus en dehors des relations professionnelles. Le don d’argent étant d’ailleurs une expression classique de solidarité, on retrouve au sujet de l’argent ce que je disais précédemment au sujet de la solidarité interpersonnelle.

Mais l’argent joue un autre rôle dans une société : celui de déterminer la valeur des biens, des services et surtout du travail. Sous allégeance fonctionnelle, la question du salaire prend donc une dimension particulièrement forte : il ne s’agit pas seulement du pouvoir d’achat des salariés, mais de leur valorisation en tant que personnes. Ainsi, par exemple, une augmentation de salaire peut être inconsciemment entendue par l’intéressé comme : « j’ai plus de valeur, je suis mieux reconnu dans ma fonction, je suis quelqu’un ». L’absence d’augmentation pendant une longue période peu du coup tout à fait être entendue dans le sens inverse. De la même manière, une différence de salaire entre des employés à poste égal peut être perçu de façon très dévalorisante par celui dont le salaire est moindre. Là encore, l’enjeu du combat pour l’égalité salariale entre hommes et femmes n’est pas d’abord une question financière, mais bien une question de valorisation des personnes.


Publié le 19/07/2019

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Introduction
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La chose la plus difficile à voir est la paire de lunettes qu’on porte devant les yeux. (Martin Heidegger)